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Wageningen : régénération des plantes sans hormones grâce à deux gènes

Des chercheurs de Wageningen University & Research (WUR) ont mis au point une méthode de régénération végétale qui pourrait transformer la sélection variétale.

Wageningen : régénération des plantes sans hormones grâce à deux gènes



Cette méthode permet à des cellules de redonner une plante complète sans recourir à l’ajout d’hormones, en s’appuyant sur l’activation de seulement deux gènes.

Menés en étroite collaboration avec KeyGene, ces travaux ouvrent la voie à un gain de temps considérable pour les obtenteurs, notamment sur des espèces où les protocoles classiques restent difficiles à reproduire. L’étude a été publiée dans la revue scientifique The Plant Cell.

Comprendre la régénération

Certaines plantes sont capables de former une racine, une feuille, voire une plante entière à partir d’une seule cellule. « Nous appelons cela la régénération », explique Jana Wittmer, chercheuse en biologie cellulaire à WUR. Le principe : une cellule spécialisée (d’une racine ou d’une feuille, par exemple) peut être ramenée à un état indifférencié, comparable à celui d’une cellule souche, puis se différencier à nouveau pour former divers organes — jusqu’à reconstituer une plante entière.

Un outil central pour conserver les variétés

La régénération est largement utilisée en agriculture, notamment en amélioration des plantes. Elle permet de générer de nouveaux plants tout en transmettant à l’identique le génome de la plante d’origine. « Cela permet de conserver la composition génétique d’une plante ou d’une variété sur plusieurs générations », précise Jana Wittmer.

Jusqu’ici, ce processus reposait sur l’usage d’hormones végétales ajoutées au milieu de culture. Les tissus jeunes sont souvent privilégiés, car les tissus plus âgés et plus différenciés répondent moins bien à ces traitements. En modulant le “régime hormonal”, il est possible d’orienter le développement des cellules souches vers des racines ou des pousses.

Les limites des protocoles hormonaux

Mais ces approches ont leurs contraintes. « C’est un processus très lourd et chronophage », souligne la chercheuse. Il faut d’abord déterminer par essais la combinaison qui fonctionne le mieux, et chaque espèce — voire chaque variété — peut nécessiter un protocole différent. Pour certaines cultures, comme le poivron ou le concombre, il n’existe toujours pas de schéma hormonal fiable permettant une régénération reproductible. Même lorsqu’elle fonctionne, la régénération à base d’hormones reste longue, exigeante et coûteuse.

Une alternative inspirée des cellules souches induites

Les chercheurs ont donc cherché une voie alternative, sans hormones. Leur inspiration : une méthode couronnée par un prix Nobel chez l’animal, fondée sur les cellules souches pluripotentes induites. Chez les plantes, la régénération passe par une étape transitoire où se forment des cellules souches racinaires. L’équipe, spécialiste de ces cellules depuis de nombreuses années, a testé différentes combinaisons de gènes afin de “reprogrammer” des cellules vers un état de cellule souche, capable ensuite de produire n’importe quel organe.

Une découverte clé : deux gènes suffisent

Au terme de plusieurs expériences, les chercheurs sont parvenus à régénérer des plantes sans ajouter d’hormones. Résultat le plus marquant : seuls deux gènes sont nécessaires pour déclencher le processus. « Ensuite, il n’y a plus besoin d’intervenir : les cellules végétales s’organisent d’elles-mêmes », explique Jana Wittmer. À partir d’un amas de cellules, une plante complète se reforme.

La méthode a été démontrée sur la plante modèle Arabidopsis, mais aussi sur des cultures telles que la tomate, la laitue et le poivron. « En principe, la technique peut donc être appliquée à un large éventail d’espèces, y compris celles qui ne répondent pas aux hormones ou pour lesquelles nous n’avons pas encore trouvé de traitement adapté », poursuit-elle.

Au-delà du gain de temps et de main-d’œuvre, l’approche pourrait aussi faciliter l’introduction ou l’inactivation de gènes, une étape qui dépend également de la régénération. À terme, cela pourrait aider à développer des plantes plus résistantes aux maladies et aux ravageurs, avec des effets positifs potentiels sur les rendements et l’environnement.

Vers une version sans OGM

Les chercheurs insistent toutefois : la technique n’est pas encore prête pour une application en conditions réelles. En laboratoire, ils ont modifié le matériel génétique des plantes, or la commercialisation de plantes génétiquement modifiées en Europe constitue une voie complexe et coûteuse. L’objectif est désormais de parvenir à activer les gènes de régénération sans recourir à la modification génétique.

Une piste consiste à introduire directement dans les cellules les protéines codées par ces gènes. Si cela s’avère possible, la méthode pourrait être utilisée plus rapidement, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires.

Une porte ouverte pour la recherche

Pour la communauté scientifique, ce système d’induction ouvre aussi de nouvelles perspectives : il permet d’étudier plus finement, et plus simplement, les mécanismes de la régénération. Il soulève également de nouvelles questions, comme les raisons pour lesquelles la régénération fonctionne très bien dans certains types cellulaires et certaines espèces, mais pas dans d’autres.

Autre piste : maintenir durablement l’état “cellule souche”. Aujourd’hui, l’activation des gènes déclenche la formation de cellules souches qui régénèrent immédiatement une plante. Si cet état pouvait être stabilisé, il deviendrait possible d’orienter ces cellules vers des types cellulaires spécifiques — par exemple ceux capables de produire des composés pharmaceutiques ou d’autres molécules à forte valeur ajoutée. Une perspective prometteuse, encore à explorer.

 

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